Le comité scientifique du colloque international des didactiques de l’histoire, de la géographie et de l’éducation à la citoyenneté (CIDHGEC) souhaite que la session de 2024 engage directement la réflexivité des chercheuses et chercheurs sur leurs activités de recherche. Dans cette perspective, il propose de considérer la didactique en tant que discipline des sciences sociales, à propos de l’enseignement et de l’apprentissage dans les trois domaines concernés. L’enjeu est de mettre en discussion des questions, des approches et des difficultés tant théoriques que pratiques à propos des activités de recherche.
De ce point de vue, toute recherche s’inscrivant dans le/les champ/s de ces trois didactiques est susceptible de conduire à un questionnement pertinent pour ce colloque. Que ce questionnement parte d’une difficulté méthodologique, empirique ou d’un choix théorique, qu’il concerne une chercheureuse débutante (en thèse) ou confirmée, il s’agit de rendre visible et de mettre en discussion des enjeux souvent implicites ou marginaux dans les productions et discussions scientifiques.
Les contributions attendues mettront donc en jeu des questions théoriques et/ou pratiques sur le travail de recherche lui-même, tel qu’il est mené pour construire des savoirs didactiques, plutôt que sur la problématique propre de la recherche considérée. Ces questions théoriques et/ou pratiques expliciteront les cadrages théoriques, les terrains et modalités de production des données empiriques, et les choix méthodologiques, tout en s’inscrivant dans des questionnements larges et reconnus à propos du travail de recherche en sciences sociales (la construction de l’objet de la recherche, la mesure de la validité des résultats produits, la représentativité des observations, l’insertion de la recherche dans son champ et son originalité, la cohérence entre données et cadrage théorique et méthodologique, etc.).
L’enjeu de ce choix est double. Il est d’abord scientifique, et vise à organiser un moment collectif de réflexion sur l’unité et la diversité des recherches effectivement produites dans nos domaines. Le champ des didactiques disciplinaires en général, et celui des trois domaines qui nous concernent en particulier, est à la fois récent et encore peu institutionnalisé en tant que communauté de recherche constituée. Ces caractéristiques mettent en question, du côté de l’unité, la cumulativité des savoirs didactiques produits, tant sur le plan de la description des mondes disciplinaires scolaires que sur le plan des outils conceptuels et pratiques sollicités pour cadrer ces recherches. Et si la diversité des approches est évidente, elle mène rarement[1] à des discussions explicites, comparatives et structurées. Titrer ainsi sur « l’unité et la diversité des approches » scientifiques signifie avant tout que l’objectif de cette rencontre réside dans l’élucidation de l’équilibre entre ces deux nécessités : la dynamique propre à la diversité des modalités, des problématiques et des cadres théoriques, tout autant que l’unité de ce regard didactique par rapport à d’autres regards possibles (pédagogique, sociologique, etc.) sur les mêmes objets du monde scolaire.
L’enjeu de ce colloque est également politique. Les recherches en éducation en général, celles en didactiques des disciplines en particulier, sont soumises à des mouvements de politique scientifique puissants. Ceux-ci peuvent garantir ou au contraire mettre en péril l’indépendance de ce travail, voire la possibilité de le mener. La radicalisation récente des débats entre « données probantes » et recherches qualitatives en est une illustration que l’on peut observer dans de multiples pays[1]. Le colloque souhaite participer à l’effort que mènent nombre d’acteurs scientifiques pour nuancer et raisonner ce type de débat et garantir une pluralité d’approches scientifiques en éducation scolaire[2]. Il est possible, en première analyse de considérer l’enjeu de politique scientifique sous-jacent comme reposant sur l’équilibre entre validité et pertinence des recherches produites (Berthelot, 1990). La validité est bien souvent considérée comme se situant du côté des débats entre scientifiques, tandis que la pertinence serait discutée dans les mondes de la pratique ou des décideurs, alors que les deux dimensions sont épistémologiquement inséparables. La chercheuse ou le chercheur arbitre constamment à la limite des deux pour produire des résultats aussi pertinents et valides que possibles, toute pratique de recherche consistant pour partie à rapporter l’un à l’autre au fil de l’enquête. On peut même dire que l’idée traditionnelle de construction de l’objet de recherche réside dans cette dialectique, y compris dans les sciences sociales[3] (Bourdieu et al., 1968). Ces questions sont importantes pour définir, discuter et traiter à la fois de l’autonomie et de l’indépendance de nos recherches, et de leurs rapports aux mondes dans lesquels elles s’inscrivent : le monde des praticiens, celui des décideurs, celui des champs de recherches proches.
Il s’agit donc pour ce colloque de construire collectivement des éléments de réponse à des questions du type : quel(s) type(s) de savoirs produisons-nous ? Quelle en est la spécificité didactique ? Que vaut(valent)-il ? A qui peu(ven)t-il servir ? Comment sommes-nous capables d’évaluer nos propres recherches sur ces différents plans ? Comment sommes-nous utiles socialement et à qui ? Comment pensons-nous les conditions d’usage des savoirs que nous produisons ?